jeudi 29 janvier 2015

Ottolenghi Islington, Londres

Toujours à la recherche de nouvelles sensations, j'ai réservé ce soir du 29 décembre 2014 dans un lieu plutôt célèbre où officie un chef d'origine israélienne nommé Yotam Ottolenghi. A l'origine journaliste, philosophe, il entamera dans un second temps une école de cuisine à Londres, sera chef pâtissier puis cuisinier. Il développera un style de cuisine profondément inspiré de ses origines qu'il mêlera d'inspirations méditerranéennes et asiatiques. Fort de son succès, il possède aujourd'hui quatre restaurants où il exprime ses inspirations au plus grand bonheur de ses clients. Autant dire qu'il faut réserver ! L'essentiel de ces restaurants sont des « relis » (ou « Delicatessen »), des lieux tout à fait particuliers à mi-chemin entre épicerie et restaurant. Son dernier établissement, le Nopi, est lui, plus proprement un restaurant, dont vous pourrez apprécier l'art avec l'excellent article d'Hedofoodia.

Il a par ailleurs publié trois livres de recettes qui rencontrent, également, un énorme succès, où les légumes on part belle et où sa créativité est partagée au grand public dans un déluge de saveurs et de couleurs.

C'était donc avec beaucoup de réjouissance que je me suis rendu dans son établissement d'Islington, district du Grand Londres plutôt populaire et très vivant, rassemblant bon nombre de bars, pubs et restaurants, très agréable et plutôt beau, illuminé de ses décorations de fêtes encore présentes. On longera relativement longuement l'Upper Street pour atteindre sa destination. 

Malgré son succès, dans l'étalage de lumières et d'enseignes de l'Upper Street, il passerait presque discret, avec sa petite vitre et son enseigne rouge, si l’œil n'était pas immanquablement attiré par l'outrageuse débauche de pâtisseries gourmandes et colorées.

On entre dans un établissement accueillant, aux lumières blanches mais douces sur des murs essentiellement blanc. A gauche, un comptoir qui sert de « caisse » de la part épicerie du lieu, mais où s'empilent des assiettes d'entrées froides qui tenterait n'importe qui, ainsi qu'au mur, la suggestion du moment en terme de vins.

Le long du mur, à droite, des pots d'épices, de sauces, de pickles, de confiture, bouteilles de vinaigre et j'en oublie rivalisent de couleurs.

Accueilli avec beaucoup de chaleur par une équipe jeune et hyper professionnelle, je suis mené plus loin dans cet établissement tout en longueur. Un bonne moitié de l'espace est occupé par une table commune, qui n'a rien d'une table de cantine: d'un blanc virginal, entourée de sièges confortables également blancs, parsemée de jolis chandeliers. C'est convivial et intime à la fois, c'est très agréable et j'y serai installé. 

La seconde moitié de l'établissement contient des tables plus petites et intimes qui ont tout d'un restaurant chic et romantique.

On me propose directement de l'eau puis on me porte la carte. Tout juste composée d'une douzaine de propositions, elle est partagée en deux parties: « From the counter » et « From the kitchen ». On comprend très vite que l'on pourrait comparer grosso modo cela à « mezzés froids » et « mezzés chauds », d'une grande inspiration et créativité, promettant fraîcheur, précision, saveurs et voyage... et là, c'est le drame: pas une seule des propositions de la carte ne me fait pas envie. C'est d'autant plus frustrant qu'à une table de 4 à 6 convives, on explore assez aisément toute la carte. Seul toutefois, j'éviterai de tenter de relever le défi.

Fatalement, je fais un choix, un plat froid et un plat chaud, on verra plus tard si j'aurai encore faim après.

On m'apporte pour patienter un trio de pains manifestement maisons, beau, avec une odeur chaude et délicieuse. Un pain mi-blanc, un autre apparemment au levain et un final au pois chiche et épices qui était vraiment magnifique. À côté, une très belle huile d'olive piquante et herbeuse comme je les aime.


« From the counter », donc, je me lance pour une préparation fortement inspirée du Japon avec du thon albacore pêché à la ligne, juste saisi dans une croûte de graines de sésames blanc jaune et noir. Le produit est saisi au millimètre laissant un intérieur cru et gourmand. Finement assaisonné (sans doute mariné au soja et miel) et enrobé d'une croûte de tenue parfaite, le résultat flatte déjà les yeux et les papilles. Mais trempez seulement ce poisson dans la sauce soja-miel et gingembre qui l'accompagne, enrobez le tout de ciboule, et le bonheur est complet.


« From the kitchen », je me serai intéressé par des kofta de gibier. Les kofta sont des spécialités d'origine persiques que l'on trouvera dans les pays d'Orient comme du Maghreb, mais aussi d'Europe orientale sous différentes appellations proches (kofte, köfte, kufta...) et désigne pour faire simple une boulette de viande. Ici elle prend une forme toute particulière, déjà en étant préparée à partir de chasse, mais en plus accompagnée d'un surprenant et assez méconnu « green tahini », du chou plume, oignon confit et sauce au citron.
M'arrive une jolie assiette nourrie de trois gros kofta, juste passée dans une fine chapelure et frite. Ici, il n'est pas question de chasse discrète: ça explose en bouche, ça sent de l'intérieur, viande, épices, c'est intense et riche avec tout le bonheur du moelleux et croustillant. Le chou a été simplement revenu avec ces oignons confits apportant une jolie acidité augmentée encore par la présence du citron. Le « green tahini » était une surprenante sauce apportant un peu d'amertume et beaucoup de saveurs d'ail, de sésame et d'herbes (persil, cresson) et un trait de citron. Splendide !

Pour accompagner mon repas, sinon de l'eau gazeuse, j'ai pris deux verres d'un très joli rouge de Navarre, un Aroa Garnatxas 2013 des Bodegas Aroa, travaillant exclusivement avec des méthodes biodynamiques.
Il s'agit d'un vin 100% Grenache qui révélera des saveurs profondes de fruit, d'une grande douceur, presque grasses, un bel équilibre, il m'a beaucoup plu !

Si je ne suis pas plein à craquer, je me garderai pour un dessert. Oui, ceux qui m'ont fait de l’œil avant-même l'entrée dans le restaurant. Ce ne sont que des créations du jour une bonne quinzaine, dont 5 « habituelles » sont recensées sur la carte des desserts ; on me suggérera d'aller au comptoir pour faire mon choix.
A nouveau, c'est terrible car face à un tel étalage, on se sent comme un enfant et on veux goûter à toutes ces pâtisseries gigantesques et colorées.

Je me déciderai pour l' « orange cake ». C'est un vrai monstre, magnifique de moelleux, très riche en saveurs d'orange, magnifié par un glaçage au chocolat noir riche. Il est servi avec une crémière de savoureuse crème vanille. 

Avec cela, un verre d'un vin rouge de dessert, à nouveau espagnol, un Ramblis, des bodegas Bernabe Navarro, 2011, riche et gourmand, presque un dessert en soi.

Il me faut mettre un terme à ce repas et commande l'addition qui s’élèvera à 49.65£.

Ottolenghi, c'est la promesse d'un moment différent, d'autres saveurs, beaucoup de créativité emprunte de tradition, dans un cadre élégant, certes, mais surtout chaleureux et communautaire et géré par une équipe jeune, dynamique, pleine de savoir-faire. Disons-le, j'ai adoré.

287 Upper Street
London N1 2TZ
Grande-Bretagne

mercredi 14 janvier 2015

The Modern Pantry, Londres

 
Après deux repas « découverte du monde », je désirais ce soir du 28 décembre 2014 explorer une cuisine dont on entend beaucoup parler et qui offre d'autres formes de découverte, la cuisine que l'on appellerait « fusion ». Une façon de faire qui est relativement à la mode et que, personnellement, j'apprécie généralement. Les recettes se trouvant sur ce blog montrent bien que mes propres repas domestiques serait plutôt dans cette tendance qui mêle produits, saveurs et textures.
C'est généralement une cuisine que les puristes n'aimeront pas. Elle sera en parallèle régulièrement victime de son succès, devenant un peu confuse, déséquilibrée en saveur ou aux accords peu heureuse.

Je n'ai toutefois aucune crainte en réservant au « The Modern Pantry ». La cuisine de Anna Hansen réjouit les papilles tant de chroniqueurs gourmands de monde professionnel, de guides et de critiques que d'amateurs éclairés et habitués aux belles tables à travers le monde. Je recommande d'ailleurs vivement la lecture du billet d'Hedofoodia à ce propos, qui est des plus éloquent. Un dimanche soir, c'est une chance qu'une telle table soit ouverte.

Sis St-John Square, près de Clerkenwell Road, le restaurant jouit d'une situation bien centrée dans un très joli quartier où bâtisses géorgiennes côtoient quelques bâtiments modernes, occupant deux beaux qui furent en leur temps une fonderie d'acier et une mairie.


Le restaurant s'établit sur deux étages. En haut, un style élégant et épuré, lumineux offrant sans doute de jour une jolie vue sur le quartier. Au niveau du sol, un espace moderne. A l'entrée, au coin, un joli bar boisé et dans la salle aux lumières tamisées, de nombreuses tables carrées blanches s’alignent sous des lampes cuivrées, banquettes de cuir brun contre les parois blanche ou bleu clair. En bout de salle, on peut apprécier l'ouverture sur la cuisine offrant une vue de l'activité intense s'y trouvant. En toile de fond, une musique très variée mais avec des dominantes swing et quelques incursions disco.




Je suis accueilli par un serveur aux allures décontractées, grand sourire, mettant immédiatement à l'aise. Il m'installe à ma table qui n'attend que moi et me porte la carte des mets et celle des boissons.

Je commencerai par un cocktail, la création du jour, le « Reina Zita » composé de gin « Fifty Pounds », liqueur de mûre, ginger ale et sirop d'ajowan, un improbable sirop issu de cette graine indienne, un peu semblable au carvi et aux saveurs rappelant le thym. Un cocktail d'une couleur intense et aux saveurs amères, fraîches et équilibrées, absolument pas commun et très intéressant. On me sert d'office de l'eau en carafe, ce que j'apprécie.


En attendant, on consulte une carte, courte, qui promet toutefois d'y laisser quelques cheveux lorsqu'il s'agit de faire un choix. La carte est datée, promettant une cuisine fraîche, évoluant au quotidien, selon marché, humeur, envies et inspirations. Des intitulés qui ébouriffent et vont bien au-delà des sentiers communément empruntés, aux inspirations tantôt méditerranéennes, tantôt asiatiques, tantôt sud-américaines, c'est déroutant et tellement appétissant et il y a presque à chaque intitulé au moins un ingrédient plus méconnu ou particulièrement étonnant.
Les vins sont également très bien choisis, faisant part belle aux vins bio et biodynamiques, à prix plutôt doux.
 
Je commencerai par un carpaccio de poulpe, cuit lentement, parfumé à l'anis, lamelles de chou-rave, câpres grillés et graines d'anis torréfiées. L'assiette est très élégante, un poulpe moelleux et goûteux, tranché assez épais, tiède, offrant un joli contraste avec le piquant-croquant du chou-rave cru. Les câpres grillés apportent des saveurs chaudes et acidulées et les graines un je ne sais quoi qui complète parfaitement ce plat arrosé d'une huile d'olive de très belle qualité. Une superbe entrée.


Je poursuis avec le mulet poêlé parfumé à la feuille de kaffir, betteraves rôties, laska au crabe et pomme, slaw de fenouil et grenade. M'arrive à nouveau une assiette très bien dressée. Le laska est une forme de curry d'inspiration malaise-indonésienne, ici retravaillée avec du crabe et de la pomme, le rendant savoureux, doux, avec une note iodée très à propos, une création gourmande et riche en saveurs servant de toile de fond au plat. Puis se superposent un mélange de betteraves jaune et rouge, grossièrement tranchées et parfaitement rôties. Au-dessus, un tronçon de poisson délicat parfaitement cuit, d'une grande fraîcheur, un très beau produit. Enfin, si l'on parle souvent de « colslaw », cette salade de chou anglo-saxone blindée de mayo, elle prend des allures délicates et raffinée de fines tranches de fenouil, augmenté de carottes, julienne de pommes et graines de grenades, c'est d'une grande fraîcheur.
Cela paraît sans doute fruste à décrire, mais les saveurs vont diablement bien ensemble pour faire un plat d'un très grand niveau, excitant les papilles, offrant gourmandise, croquant, iodé, doux.


J'ai profité d'un vin élevé en biodynamie avec ce plat, un Chardonnay « Le Casse-Noix » du Languedoc, 2013 offrant du fruit tout en fraîcheur, parfait équilibre entre des saveurs d'agrumes et des notes douces miellées.

Les desserts sont tout aussi fous et difficiles à choisir. Je céderai à la tarte à la courge, gingerbread, crème au citron calamansi, lime iranienne, graines de courges mélasse de courge, grué de cacao au piment. Oui ! Tout ça ! Et fichtre, c'est diaboliquement bon. Une masse délicieuse à la courge, des notes de sel et au franc goût de courge, montée sur du gingerbread croquant de belle qualité, un travail très raffiné avec cette crème aux agrumes d'une grande légèreté surmonte cela. Autour, des graines de courges torréfiées s'étalent sur une petite lichette de mélasse riche en saveurs, très « brute », surmontée de ce grué piquant-croquant-caramélisé. Magnifique !


Avec cela, un Moscati d'Asti « Bricco Quaglia » de la maison « La Spinetta », provenant du Piémont, 2013 tout à fait magnifique, un dessert à lui tout seul.

On l'aura remarqué, j'ai un peu abusé ce soir, et cela se remarque sur l'addition qui s'élèvera à 75.93£.

Mais que cela en valait la peine de découvrir ce lieu unique, atypique, cette cuisine folle, créative et exécutée à la perfection, cette équipe humaine et sympathique. Un lieu à découvrir !

The Modern Pantry
47-48 St John’s Square
Clerkenwell, London, EC1V 4JJ
Grande-Bretagne

lundi 12 janvier 2015

Chakra, Londres


Il est connu de tout un chacun que les histoires anglaise et indienne possèdent une bonne part de sentiers communs.
Comme témoin moderne (entre autre) de cette relation de longue date, le nombre de ressortissants de populations indiennes ou encore pakistanaise notamment se trouvant en Grande-Bretagne avec pour destination favorite Londres dans laquelle ils s'adonnent à toutes les activités mais où ils ont su importer leurs traditions culinaires (au pluriel, oui), couleurs, parfums. Cela devient du coup presque anathème de de ne pas aller (re-)découvrir cette cuisine lors d'un séjour londonien, sa tradition, ses saveurs.

On me voit encore une fois venir à dire que c'est « mieux ailleurs ». Et je répondrai « globalement sans conteste ». Naturellement, comme partout, à Londres, il y a du bon et du moins bon, mais il semblerait généralement qu'au moins il y ait de l'authenticité dans l'assiette et au diable l'édulcoré.
Oui, le nombre de restaurants indiens n'a cessé de croître par chez nous ces derniers temps. Certes, ils offrent globalement une ambiance, une découverte de la musique, de Bollywood vu qu'il y a presque toujours une télé, et un aperçu de tradition culinaire. Ce n'est généralement pas mauvais, j'y vais de temps à autres, car il y en a qui font bien leur travail à leur échelle avec leur façon de faire. Le public suisse est peut-être plus difficile à séduire qu'ailleurs, je ne sais, mais même les « meilleurs » de nos contrées sont à mon sens diablement pauvres, essentiellement concernant les mets végétariens qui pourtant sont foison en Inde (on se met enfin à trouver un peu de paneer), vont étonnamment proposer du bœuf à toutes les sauces qui ne seront qu'anecdotiques au-delà d'un Tikka massala ou d'un Tandoori (qui ne sortira que rarement d'un tandoor, mais faut pas en d'mander tant non plus;-)), ou encore vont utiliser des épices en poudre et en pâte de commerce sans-même trop les retravailler. Une richesse dans le choix d'établissement qui ne traduit pas la richesse de cette cuisine, malheureusement. Aussi à Londres voulais-je m'attabler dans un vrai bon indien.

C'est à cette redécouverte de la cuisine indienne que je dédierai mon second repas londonien, le 27 décembre 2014 au soir. Nothing Hill, quartier à l'ouest de la ville, un peu plus loin que le charmant et culturel Hyde Park, est un quartier que la réputation le précède pour son caractère relativement aisé dont témoignent les belles maisons victoriennes. Ce n'en est pas moins un quartier fréquenté, populaire et animé qui réunit une foule bigarrée, Londoniens et touristes, bon nombre de bars et restaurant, des terrasses et magasins.

On n'aura pas a longer longtemps cette rue avant de tomber nez à nez avec le Chakra, mon étape gourmande du soir. Un choix qui ne s'est pas fait au hasard, entre conseils avisés et lecture de revues telles que Time Out, Zagat ou Eating London ou encore de blogs qui en parlent de façon élogieuse. Visité par des stars, lieu de fêtes, je ne m'attends pas à de la musique bengalie ou autres airs de Sitar dans un milieu bariolé de mille couleurs et dorures, certes, mais assurément à une bonne cuisine dans un cadre sans doute modernisé, ce qui n'a pas manqué.


Parlons-en du cadre ! Passée une porte discrète, j'arrive dans un hall digne d'une salle d'attente chic, accueilli à un guichet, je suis dirigé dans un canapé confortable en cuir d'un blanc virginal, quelques magazines sur une table devant et un très beau bar, également rembourré de cuir blanc. J'en profite pour apprécier le cadre.


Un sol sombre met en valeur les meubles qui sont tous de confortables fauteuils ou banquettes de cuir blanc, de-même que les murs qui sedisputent les même allures blanc-rembouré s'ils ne se contentent pas de la peinture blanche. Au plafond, des spots doux encadrent une allée de lustres dégageant une lumière dorée et tamisée. Au bout d'un couloir, le blanc cède au brun sombre tant pour les meubles et pour les murs, à défaut d'une paroi habitée par un long miroir. C'est vraiment très élégant.
On profite également d'observer le ballet des serveurs qui ont troqué l'habit traditionnel pour un complet décontracté, tandis que la musique oscille entre du lounge, de la musique indienne modernisée aux teintes électro, jazz, trip-hop...



Ma table est prête et on me mène dans la salle du fond. La carte m'est présentée et je ne peux qu'apprécier le choix extrêmement bien fait, très équilibré entre le végétarien et le non-végétarien (où agneau et poulet ont la part belle, mais également le canard notamment). Le discours est traditionnel mais très clairement raffiné sans dénaturer et c'est là manifestement le style de Andy Varma, le chef des lieux. La carte des vins n'est pas en reste, proposant une sélection de taille raisonnable et de belle qualité à prix tout à fait correct.

Le choix sera comme à l'accoutumée d'une grande difficulté. Pour m'aider, je prends un cocktail, le « Chakra Spice », composé de tequila, menthe, lime, limonade et (mon amour du piment me perdra) chili. Cela donne un mélange frais, explosif, bien équilibré en alcool, c'est très agréable.


Une chose m'est très vite apparue comme très claire, ce soir, je ferai végétarien, et le choix est fait.

Pour patienter, je reçois un petit amuse-bouche joliment présenté dont je n'ai pas saisi le contenu. Il s'agissait au goût d'une préparation de pois réduit en purée, façonnée en galette puis grillée. C'est mou, assez gourmand, aux épices innombrables mais sans dénaturer le goût du pois, avec une petite goutte d'une sauce onctueuse à la coriandre et deux nappées de sauces au poivrons jaune et rouge. Une partie de mon entrée me rappellera cet élément et me donnera la variété de pois dont il s'agissait (j’étais juste certain d'une chose, ils n'étaient pas « chiches ».


En entrée, je choisirai le « Lucknowi Platter » sous-titré « a vegetarian delight » et dont la description voit les mots « kebab » ou encore « chich ». C'est très intéressant à la lecture et le résultat est concluant.
Trois galettes côte à côte, l'une à base de haricots « black eyes », une version plus grosse de mon amuse-bouche, ce qu'à la commande je ne savais, bien-entendu, pas, mais cela ne m'a pas déplu. La seconde galette était composée de purée de butternut et a été traité avec des épices plus douces et chaudes, avec des notes de graine de coriandre plus prononcée, enfin la troisième galette était à base d'épinards surtout parfumée à la muscade. De-ci, de-là, des pousses de pourpier et une traînée de pinceau d'une sauce sombre au goût poivré-pimenté qui donnait de la couleur et du relief à l'assiette. Une très bonne entrée.


J'ai poursuivi en plat avec le « Baingan Ka Bharta », spécialité du Penjab composée d'aubergine rôtie tandoori, parfumée essentiellement au gingembre et oignon. C'est une préparation assez étonnante déjà en texture. Si d'aspect on pense « caviar d'aubergine », il y avait quelque chose d'aéré, légèrement émulsionné d'une grande richesse et profondeur gustative entre les reliefs aigus des épices (très légèrement relevées mais subtilement), la fraîcheur du gingembre et l'oignon cuit suffisamment pour développer son petit goût presque sucré caractéristique. L'ensemble paraît gras mais cela ne laisse pas cette impression en bouche. C'est vraiment bon.


J'ai pris en guise de « side » un « Vegetable Biryani » (un side qui a eu l'aspect amusant de coûter plus cher que mon plat ou mon entrée), probablement mon meilleur riz indien dégusté à ce jour. Un riz parfumé d'une très grande finesse et à la cuisson parfaite augmenté de légumes frais (chou-fleur, carottes, pommes de terre notamment), savoureux en épices douces, une sauce de type « curry » appelée « korma ».


J'ai tout de même goûté à un « butter naan » que l'on m'a servi avec une sauce au yaourt. Il est très bon et bien réalisé, quoique j'aurais pu m'en passer.


Ce fut un repas vraiment excellent, riche d'épices, de saveurs, de très belles préparations qui ne cherchent rien à cacher des parfums d'Inde. Si je devais souligner un bémol (au-delà du caractère addictif de la nourriture), c'est qu'il y a peut-être deux grains de sel en trop, mais rien de dénaturant. Cela m'a juste poussé à commander deux grandes bouteilles d'eau au cours de mon repas.

La carte des desserts, même elle, est intéressante. Je m'abstiendrai, toutefois, la faim manquant. On m'apporte alors une lingette de la taille d'un dé à coudre, on verse de l'eau chaude dessus, elle quadruple de volume et m'offre de quoi me rafraîchir. On m'offre une quenelle de glace au citron vert et c'est parfait. L'addition se montra au final à 52.48£.

C'était vraiment un excellent repas, une belle découverte de la cuisine indienne dans un environnement presque improbable au vu des habitudes que je pouvais avoir, un service aux petits oignons et beaucoup de plaisir.

157-159 Notting Hill Gate
London W11 3LF
Grande-Bretagne

vendredi 9 janvier 2015

Koba, Londres

La cuisine britannique est une cuisine dont la réputation la précède... En effet, il n'est pas rare d'en entendre parler en propos fort peu élogieux quand elle est sous sa forme la plus traditionnelle.
En voyage à Londres pour passer la fin de l'année 2014 et le début 2015, j'aurai l'occasion de découvrir 8 belles table dont certaines d'une cuisine britannique revue, retravaillée, modernisée qui m'aura globalement plus que convaincu et une part de mes billets suivant saura vous prouver pourquoi.
Londres, toutefois, c'est aussi peut être LA ville européenne qui est une fenêtre sur le monde au niveau culinaire. On connaît certes les Indiens comme fort bien représentés mais autant être clair, ce que l'on veut en terme de cuisine du monde, on le trouve à Londres, manifestement dans le merveilleux comme dans le plus médiocre.
En Suisse (en tout cas en Suisse romande), il faut être honnête: il y a certes bon nombre de restaurant ethniques, mais oh combien édulcorée, européanisés, même tout particulièrement « suissisés »: on évite généralement de donner à ses clients des morceaux trop gras, des aliments bizarres, des textures étranges, des saveurs parfois franches, parfois inattendues et on donne au Suisse des produits standards dans des sauces souvent de base (voire totalement) industrielle. Heureusement il y a des exceptions, mais bien rares face à la pléthore répondant à ce standard.

Ce premier soir en terre londonienne, le 26 décembre 2014, je chercherai justement la découverte d'une cuisine particulièrement peu représentée en Suisse et pourtant délicieuse, très intéressante dans sa tradition culinaire, ses produits, ses préparations, il s'agit de la cuisine coréenne.

Je découvre donc très vite l'excitation de cette capitale en me rendant Tottenham Court Road, une rue commerçante surrexitée dont le restaurant est très proche. On prend une rue perpendiculaire d'un coup extrêmement calme, longée de restos et d'hôtels, on va jusqu'au bout et on arrive devant le Koba, ma destination du soir.

Une enseigne rouge pétant sur un étonnant plaquage en bois habillant un mur de brique « so british » sert de devanture à ce petit restaurant.


Tout en longueur, on accède dans un coin bar où les boissons se préparent et les clients peuvent manger. Parquet sombre au sol, murs d'un jaune tendre, lumières basses et tamisées, quelques rares tableaux à l'encre au mur, bar noir ponctué de barbecues, c'est élégant. La salle plus loin est d'allure confortable, banquette de cuir au murs, tables de bois sombre à nouveau équipées de barbecues et, au sous-sol, une autre salle semblable.



Accueilli avec beaucoup de professionnalisme, je suis mené au bar, comme il est plutôt fréquent lorsqu'on est seul. Qu'importe, j'apprécie ce genre d'emplacement qui permettent de voir la vie du restaurant et les attitudes du personnel.


En face de moi, une carte de cocktail, essentiellement à base de soju et paraissant intéressants. Je prends un « Honey Lemon » qui adjoint à cet alcool du tonic, du miel, du citron et du gingembre pour un résultat très désaltérant et parfumé. Je consulte en attendant une carte principalement centrée autour des barbecues (d'où leur présence à chaque table), mais augmentée également d'éléments « streetfood » et des entrées froides et chaudes traditionnelles. A cela s'ajoute encore des plats de nouilles ou de riz typiques (dont les immanquables bibimbap) et des « sides » qui accompagnent usuellement les repas coréen.

Le choix est cornélien, je ne sais quoi choisir, tout à l'air soit délicieux, soit totalement inconnu (me donnant donc l'envie de goûter). Je finis par faire mes difficiles choix et attends.

Très vite (mais pas trop vite) arrivera la « Seafood salad »: Arrive une belle salade de fines lamelles d'algues mêlées, fraîches et croquantes, garnie d'un peu de tomate et de poireaux, le tout dans une sauce savoureuse, un peu sucrée, un peu acide, un peu moutardée (une moutarde bien corsée, plutôt « de Dijon » que anglaise). C'est frais, léger et gourmand ! 

 

On poursuivra avec la « Haepari Naengohae ». J'admets que je ne savais pas du tout ce que j'allais recevoir dans mon assiette; en effet, je savais que j'allais avoir du « jellyfish »... Et je n'arrivais plus du tout à me souvenir de quoi il s'agissait. Je me retrouve avec en face de moi une très belle assiette de nouilles gélatineuses marinées d'une sauce assez vinaigrée et forte en moutarde justement adoucie de miel, sur un lit de fine julienne de légumes frais et goûteux. Au-dessus, des grosses crevettes parfaitement cuites et très bonnes parfumées de noisettes torréfiées. L'ensemble est vraiment très surprenant, du croquant, du gélatineux, du moelleux, du doux, de l'acide. L'ensemble excite le palais et tout en savourant ce plat, je continue à me demander ce qu'est ce jellyfish jusqu'à ce que je réalise que je suis en train de manger de la méduse. Du coup, je me réjouis encore plus de cette salade qui est une découverte encore plus grande que je ne m'y attendais et qui est une vraie réussite.


Après ces magnifiques entrées, on me soulève la protection du barbecue et on m'amène une assiette de calmar et de poitrine de porc très fins dans une marinade rougeâtre. C'est l'« Osam bulgogi». Le serveur officie au barbecue tout en me décrivant les produits et en m'expliquant ce qui l'accompagne, à savoir deux sauce, l'une très liquide l'autre épaisse et sombre, plutôt dans des saveurs douces avec une once d'arachide. J'avais en plus commandé des légumes pour « wrapper » mon barbecue comme (semblerait-il) il est de coutume de le faire. De la laitue très fraîche et des poireaux marinés au vinaigre doux.

Le barbecue est splendide, une grande tendreté, des saveurs douces et piquantes à la fois, des sauce parfaites, j'adore !



Impossible de ne pas accompagner un repas coréen de « Kimchi », des légumes marinés et fermentés à la coréenne. Ça sent fort, c'est riche en saveur, c'est très épicé, du chou chinois, du concombre et du radis daïkon, c'est excellent.


Pour ce repas, à part le cocktail, je suis resté à l'eau et ai fini pour un montant de 49.60£.

C'était vraiment succulent, pour l'essentiel inconnu et pour le connu, amplement meilleur et plus franc de saveurs que ce que l'on trouve par chez nous.
Le service est souriant, attentif et alerte au besoin pour rendre ce lieu beau, bon, confortable et convivial, grandement recommandable !

Koba
11 Rathbone St
London, W1T 1N
Grande-Bretagne