Il est connu de tout un chacun que les
histoires anglaise et indienne possèdent une bonne part de sentiers
communs.
Comme témoin moderne (entre autre) de
cette relation de longue date, le nombre de ressortissants de
populations indiennes ou encore pakistanaise notamment se trouvant en
Grande-Bretagne avec pour destination favorite Londres dans laquelle ils
s'adonnent à toutes les activités mais où ils ont su importer leurs
traditions culinaires (au pluriel, oui), couleurs, parfums. Cela devient du coup
presque anathème de de ne pas aller (re-)découvrir cette cuisine
lors d'un séjour londonien, sa tradition, ses saveurs.
On me voit encore une fois venir à
dire que c'est « mieux ailleurs ». Et je répondrai
« globalement sans conteste ». Naturellement, comme
partout, à Londres, il y a du bon et du moins bon, mais il
semblerait généralement qu'au moins il y ait de l'authenticité
dans l'assiette et au diable l'édulcoré.
Oui, le nombre de restaurants indiens
n'a cessé de croître par chez nous ces derniers temps. Certes, ils
offrent globalement une ambiance, une découverte de la musique, de
Bollywood vu qu'il y a presque toujours une télé, et un aperçu de
tradition culinaire. Ce n'est généralement pas mauvais, j'y
vais de temps à autres, car il y en a qui font bien leur travail à
leur échelle avec leur façon de faire. Le public suisse est
peut-être plus difficile à séduire qu'ailleurs, je ne sais, mais
même les « meilleurs » de nos contrées sont à mon
sens diablement pauvres, essentiellement concernant les mets végétariens qui pourtant sont foison
en Inde (on se met enfin à trouver un peu de paneer),
vont étonnamment proposer du bœuf à toutes les sauces qui ne
seront qu'anecdotiques au-delà d'un Tikka massala ou d'un Tandoori
(qui ne sortira que rarement d'un tandoor, mais faut pas en d'mander
tant non plus;-)), ou encore vont utiliser des épices en poudre et en
pâte de commerce sans-même trop les retravailler. Une richesse dans le choix d'établissement qui ne
traduit pas la richesse de cette cuisine, malheureusement. Aussi à
Londres voulais-je m'attabler dans un vrai bon indien.
C'est à cette redécouverte de la
cuisine indienne que je dédierai mon second repas londonien, le 27
décembre 2014 au soir. Nothing Hill, quartier à l'ouest de la
ville, un peu plus loin que le charmant et culturel Hyde Park, est un
quartier que la réputation le précède pour son caractère
relativement aisé dont témoignent les belles maisons victoriennes.
Ce n'en est pas moins un quartier fréquenté, populaire et animé
qui réunit une foule bigarrée, Londoniens et touristes, bon nombre
de bars et restaurant, des terrasses et magasins.
On n'aura pas a longer longtemps cette
rue avant de tomber nez à nez avec le Chakra, mon étape gourmande
du soir. Un choix qui ne s'est pas fait au hasard, entre conseils
avisés et lecture de revues telles que Time Out, Zagat ou Eating
London ou encore de blogs qui en parlent de façon élogieuse. Visité par des stars, lieu
de fêtes, je ne m'attends pas à de la musique bengalie ou autres
airs de Sitar dans un milieu bariolé de mille couleurs et dorures,
certes, mais assurément à une bonne cuisine dans un cadre sans
doute modernisé, ce qui n'a pas manqué.
Parlons-en du cadre ! Passée une
porte discrète, j'arrive dans un hall digne d'une salle d'attente
chic, accueilli à un guichet, je suis dirigé dans un canapé
confortable en cuir d'un blanc virginal, quelques magazines sur une
table devant et un très beau bar, également rembourré de cuir
blanc. J'en profite pour apprécier le cadre.
Un sol sombre met en valeur les meubles
qui sont tous de confortables fauteuils ou banquettes de cuir blanc,
de-même que les murs qui sedisputent les même allures blanc-rembouré s'ils ne se contentent pas de la peinture
blanche. Au plafond, des spots doux encadrent une allée de lustres
dégageant une lumière dorée et tamisée. Au bout d'un couloir, le
blanc cède au brun sombre tant pour les meubles et pour les murs, à
défaut d'une paroi habitée par un long miroir. C'est vraiment très
élégant.
On profite également d'observer le
ballet des serveurs qui ont troqué l'habit traditionnel pour un
complet décontracté, tandis que la musique oscille entre du lounge,
de la musique indienne modernisée aux teintes électro, jazz,
trip-hop...
Ma table est prête et on me mène dans
la salle du fond. La carte m'est présentée et je ne peux
qu'apprécier le choix extrêmement bien fait, très équilibré
entre le végétarien et le non-végétarien (où agneau et poulet
ont la part belle, mais également le canard notamment). Le discours
est traditionnel mais très clairement raffiné sans dénaturer et
c'est là manifestement le style de Andy Varma, le chef des lieux. La
carte des vins n'est pas en reste, proposant une sélection de taille
raisonnable et de belle qualité à prix tout à fait correct.
Le choix sera comme à l'accoutumée
d'une grande difficulté. Pour m'aider, je prends un cocktail, le
« Chakra Spice », composé de tequila, menthe, lime,
limonade et (mon amour du piment me perdra) chili. Cela donne un
mélange frais, explosif, bien équilibré en alcool, c'est très
agréable.
Une chose m'est très vite apparue
comme très claire, ce soir, je ferai végétarien, et le choix est
fait.
Pour patienter, je reçois un petit
amuse-bouche joliment présenté dont je n'ai pas saisi le contenu.
Il s'agissait au goût d'une préparation de pois réduit en purée, façonnée en galette puis grillée. C'est
mou, assez gourmand, aux épices innombrables mais sans dénaturer le
goût du pois, avec une petite goutte d'une sauce onctueuse à la
coriandre et deux nappées de sauces au poivrons jaune et rouge. Une
partie de mon entrée me rappellera cet élément et me donnera la
variété de pois dont il s'agissait (j’étais juste certain d'une
chose, ils n'étaient pas « chiches ».
En entrée, je choisirai le « Lucknowi
Platter » sous-titré « a vegetarian delight » et
dont la description voit les mots « kebab » ou encore
« chich ». C'est très intéressant à la lecture et le
résultat est concluant.
Trois galettes côte à côte, l'une à
base de haricots « black eyes », une version plus grosse
de mon amuse-bouche, ce qu'à la commande je ne savais, bien-entendu,
pas, mais cela ne m'a pas déplu. La seconde galette était composée
de purée de butternut et a été traité avec des épices plus
douces et chaudes, avec des notes de graine de coriandre plus
prononcée, enfin la troisième galette était à base d'épinards
surtout parfumée à la muscade. De-ci, de-là, des pousses de
pourpier et une traînée de pinceau d'une sauce sombre au goût
poivré-pimenté qui donnait de la couleur et du relief à
l'assiette. Une très bonne entrée.
J'ai poursuivi en plat avec le
« Baingan Ka Bharta », spécialité du Penjab composée
d'aubergine rôtie tandoori, parfumée essentiellement au gingembre
et oignon. C'est une préparation assez étonnante déjà en texture.
Si d'aspect on pense « caviar d'aubergine », il y avait
quelque chose d'aéré, légèrement émulsionné d'une grande
richesse et profondeur gustative entre les reliefs aigus des épices
(très légèrement relevées mais subtilement), la fraîcheur du
gingembre et l'oignon cuit suffisamment pour développer son petit
goût presque sucré caractéristique. L'ensemble paraît gras mais
cela ne laisse pas cette impression en bouche. C'est vraiment bon.
J'ai pris en guise de « side »
un « Vegetable Biryani » (un side qui a eu l'aspect
amusant de coûter plus cher que mon plat ou mon entrée),
probablement mon meilleur riz indien dégusté à ce jour. Un riz
parfumé d'une très grande finesse et à la cuisson parfaite
augmenté de légumes frais (chou-fleur, carottes, pommes de terre
notamment), savoureux en épices douces, une sauce de type « curry »
appelée « korma ».
J'ai tout de même goûté à un
« butter naan » que l'on m'a servi avec une sauce au
yaourt. Il est très bon et bien réalisé, quoique j'aurais pu m'en
passer.
Ce fut un repas vraiment excellent,
riche d'épices, de saveurs, de très belles préparations qui ne
cherchent rien à cacher des parfums d'Inde. Si je devais souligner
un bémol (au-delà du caractère addictif de la nourriture), c'est
qu'il y a peut-être deux grains de sel en trop, mais rien de
dénaturant. Cela m'a juste poussé à commander deux grandes
bouteilles d'eau au cours de mon repas.
La carte des desserts, même elle, est
intéressante. Je m'abstiendrai, toutefois, la faim manquant. On
m'apporte alors une lingette de la taille d'un dé à coudre, on
verse de l'eau chaude dessus, elle quadruple de volume et m'offre de
quoi me rafraîchir. On m'offre une quenelle de glace au citron vert
et c'est parfait. L'addition se montra au final à 52.48£.
C'était vraiment un excellent repas,
une belle découverte de la cuisine indienne dans un environnement
presque improbable au vu des habitudes que je pouvais avoir, un
service aux petits oignons et beaucoup de plaisir.
157-159 Notting Hill Gate
London W11 3LF
Grande-Bretagne
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