dimanche 24 mai 2015

Prater Garten, Berlin

Cela fait plusieurs années que je voulais aller à Berlin, sans pour autant parvenir à m'en créer l'occasion: entre histoire, culture, diversité, architectures... il y avait amplement de quoi faire! Et c'était sans compter le monde de la table!
Forcément, de loin, on pense Allemagne, on pense cuisine, on pense viande, saucisse, Schnizeln, Torte, le tout arrosé d'un bon bock de bière. Pour être allé à Münich il y a déjà bien 8 ans, Freiburg il y a 6 ans, il faut bien avouer que cela répondait jusqu'alors plutôt bien à l'image avec, comme variation essentielle, la cuisine turque qui prendra surtout la forme du döner. N'oublions pas en effet que l'Allemagne aujourd'hui est le pays qui possède la plus grande communauté turque hors de Turquie.

Berlin, au même titre que l'essentiel des grandes capitales du monde, n'est pas vraiment représentative de bon nombre d'idées préconçues sur ce pays, notamment sur la cuisine. Il n'y a pas vraiment de ces Biergarten ultra traditionnels pour ne citer qu'un exemple mais on les verra plus volontiers un peu modernisés, retravaillés, revisités, tant dans le cadre que dans l'assiette, sans pour autant rejeter origines et traditions. Une Berlin moderne, jeune, innovante, vivante, également dans la restauration.

Fin avril, début mai, me voilà donc en bref séjour (3 jours entiers) en famille. Trois jours, c'est bref, et j'aurai à cœur de sélectionner trois tables de trois genres différents, soigneusement choisis, pour découvrir et faire découvrir à mes comparses quelque chose de nouveau. Et j'espère maintenant vous faire découvrir ce visage de Berlin.

30 avril 2015, après une première journée de balade à travers un Berlin au temps un peu mitigé, à la découverte de l'essentiel des sites « carte postale » mais également de la vie et de la diversité berlinoise, on fera volontiers comme premier choix gastronomique une roborative, généreuse et confortable cuisine allemande avec sa touche berlinoise.

Nous voilà donc dans la partie orientale de la ville dans le quartier fréquenté de Prenzlauer, où l'Eberswalder Strasse vous mènera, si vous vous y aventurez, au populaire Mauerpark et au mémorial du mur, un quartier qui correspond bien à l'idée que l'on pourrait se faire de Berlin Est de nos jours: jeune, alternatif, vivant et moderne, dans un écrin d'ancienneté et d'histoire. On longera quelques minutes la Kastanienallee jusqu'à ce que l'on se retrouve, sur la droite, devant une enseigne un peu décalée ouvrant sur ce qui, de l'extérieur, ressemble à s'y méprendre à un terrain vague. C'est pourtant là que l'on dînera.


On s'aventurera sur une allée dallée, entourée de terre, on croisera un parking à vélo et on s'amusera à s'approcher d'une bâtisse qui a un petit quelque chose d'habitat temporaire ou de mobilhome, au pied d’une structure industrielle en tôle ondulée. Une petite terrasse juste devant, toiles blanche et rouge, donne un côté presque comique et en même temps assez irrésistible. Mais ce n'est pas tout!



En face de la bâtisse, une grande terrasse à ciel ouvert, ponctuée de châtaigniers, au petit air du buvette, où, malgré le temps et la température, une poingée de personnes s'y rassemble. Il y a fort à penser que le lieu est bondé en belle période. Ce côté est la partie « Biergarten » du lieu, dont la naissance remonte à 1837, faisant de lui le plus vieux Biergarten de Berlin, abreuvant les habitants de diverses sortes de bières et autres boissons, ainsi que les nourrissant aujourd'hui d'une cuisine de type fast/fingerfood traditionnelle qui semble, à la lecture de la carte, savoureuse et à prix des plus dérisoires. Je ne peux qu'encourager une visite de l'onglet descriptif de leur site, qui raconte avec force détails l'histoire du lieu.



La bâtisse premièrement décrite est donc le côté restaurant, et c'est là que l'on dînera. En passant la porte, il est difficile d'imaginer ce que l'on trouvera à l'intérieur! à peine entré, on appréciera le joyeux brouhaha qui habite la salle et qui témoigne de son degré de remplissage. On notera, au passage, que le lieu sera plein du début à la fin, les tables desservies étant aussitôt repourvues. Autant dire qu'il est essentiel de réserver en avance, éventuellement de se montrer flexible sur l'horaire. En face, on remarquera le très beau et long bar, lumineux, en bois, aux verres resplendissants et surmonté de bouteilles en terre cuite, vestige des temps anciens où la bière était servie dans ces récipients. Le reste de la salle est simple et pleine de charme: parquet au sol, haute plinthes de bois foncé, murs blancs, lumières tamisée. Au fond, une estrade cerclée de rideaux et de lampes où l'on verrait volontiers se produire quelque groupe musical ou un spectacle burlesque. Un peu partout, assez serrées, des petites tables de bois, laissées nues, juste pourvues d'un pot contenant fourchettes, couteaux et serviettes en papier, et des chaises assorties, assez brutes, correspondant pleinement aux lieux.




Le personnel n'est pas nombreux en rapport au nombre de couverts et la taille de la salle, mais hyper efficace, assez jeune, vêtu de noir, ne manquant pas d'allure, souriant et disponible. On sera d'ailleurs vite pris en charge et menés à notre table au pieds de l'estrade.

La carte en mains assez rapidement, on appréciera le fait qu'elle soit datée, courte, tenant sur une page. Le restaurant a à cœur de servir une cuisine authentiquement berlinoise régie par les saisons, le marché et les envies du moment. C'est d'ailleurs l'asperge blanche qui est alors à l'honneur, en soupe ou proposée avec divers accompagnements. On trouvera des soupes, des salades, viandes en sauce ou grillée, un poisson et des desserts. Il n'y a pas vraiment d'entrée ou de plat et on remarquera que les assiettes des tables alentours sont si bien servie qu'un unique plat devrait suffire à arriver au bout du plus avide appétit. La transparence quant à la provenance et la qualité des préparations est plutôt exceptionnelle, mentionnant très clairement si tel ou tel plat contient des conservateurs, antioxydant, acidifiants ou phosphates (et il n'y en a pas des masses!). Je ne sais pas s'il s'agit d'une loi qui demande cela, mais si ce n'est pas le cas, chapeau bas! Last but not least, les prix sont vraiment dérisoires, en mettant en rapport quantités et prix de matières premières (veau, asperge, etc...).

Côté boissons, la carte ne vise à nouveau pas à l'exhaustivité mais n'empêche pas le choix. Tout sent la qualité, des bières pression et bouteilles, des vins à tendance bio/nature, une quantité gigantesque d'alcools forts et minérales, toujours dans des gammes de prix très raisonnables.

Bon, je ne me suis que déjà trop étalé dans mon introduction. Ma foi, on ne se refait définitivement pas! Mais voilà les plats et boissons commandés.

Très vite alors, on nous portera un pain mi-blanc fraîchement coupé. Ce dernier est de bonne qualité. A ses côtés, deux coupelles de crème aigre à la ciboulette simple et plaisant, posée d'entrée de jeu, que l'on consommera avec du pain dans un premier temps pour les plus affamés, et avec un des plats de la table (pris par trois des convives), que je m’apprête à décrire. Les plats arriveront après une petite attente, ce qui est tout à fait normal. Rien de trop compte tenu du remplissage de la salle et du temps de préparation des plats.



Trois convives, donc, se laisseront tenter par une proposition du moment, l'asperge. Une demi-portion d'asperge, de grosses asperges blanches parfaitement cuites, braisées et beurrées, changeant heureusement de l'habituelle cuisson à l'eau, saupoudrée au dernier moment d'un peu de chapelure. La qualité du produit est assez exceptionnelle et les quantités, pour une demi-portion, pas chiches du tout!
Dans la même assiette, trois pommes de terre toute en simplicité, bien cuites et de bonne qualité, également saupoudrées de chapelure.
Dans une assiette à côté, une portion de Schnitzeln vraiment très généreuse (qui laisse penser que si on prend comme plat une Schnitzel, on veillera à avoir vraiment très faim!). La viande, du veau comme la tradition le veut, est de belle qualité, en fine escalopes tendres et goûteuses témoignant d'une cuisson maîtrisée. La chapelure est fine et croquante, l'ensemble est justement assaisonné et servi avec un quartier de citron. Un plat qui aura beaucoup plu et auquel on ne reprochera peut-être qu'une quantité un peu élevée de beurre dans les asperges (pour chipoter).



Pour ma part, je m'intéresserai à un autre plat hautement traditionnel: le Sauerbraten. Pour utiliser une référence connue, c'est globalement les mêmes principes qu'un bœuf bourguignon mais façon allemande. Un très gros pavé de bœuf de très bonne qualité, longuement mariné dans du vinaigre et des épices (jusqu'à 48h de marinade), braisé et lentement cuit, servi dans une sauce aigre-douce de vinaigre et de bière aux épices avec un arrière goût de raisins secs. La viande est tendre, se défait toute seule, savoureuse et magnifiée par cette sauce gourmande, riche et très équilibrée en saveurs. A ces côtés, des carottes très bonne, assez beurrées à nouveau et une excellente purée très bien exécutée. Un plat réconfortant et gourmand.


J'ai commandé une petite salade à côté. Une grande assiette profonde regorgeant de feuilles diverses bien fraîches et parsemée de graines de sésame et tournesol. La vinaigrette est un petit bémol car m'a fait furieusement penser à une de ces sauces à l'italienne industrielle qui ne fait pas honneur au lieu et au contenu de l'assiette. De parfaite, elle passera à plaisante.

On constatera assez aisément que les assiettes sont si généreusement servies qu'elles arriveront au bout des appétits les plus coriaces, et cela avec beaucoup de plaisir.

Nous ne résisterons néanmoins pas à nous partager une portion d'Apfelstrudel pour le dessert. Une portion à nouveau fort généreuse d'un strudel qui n'était pas tout à fait semblable à ce que je connais du strudel traditionnel. Plutôt que d'être roulé plusieurs fois, il n'avait qu'une seule couche extérieure de pâte un peu molle (contrairement au croustillant typique et, fondamentalement, désiré). La farce, elle, est parfaite. Dés de pommes fondants, riche en noix et amandes, humidifié de compote de pommes et zeste d'agrume, excellente. Le tout est servi dans sa pataugeoire de sauce vanille de belle exécution. Il semblerait toutefois qu'il n'y ait pas une seule manière de traiter la pâte à strudel et que celle-ci n'est pas moins traditionnelle qu'une autre. Un dessert très bon et plaisant, quoiqu'on aurait apprécié, pour le coup, un peu plus de croustillant pour que cela soit parfait.

Côté boissons, eau gazeuse et plate, un coca seront les sources d'hydratation. Je ne résisterai pas à goûter à une de leur pressions, la « Prater Lager Schwarz », une bière noire presque étonnamment fluide et désaltérante, avec un joli gaz équilibré et une saveur très maltée et agréable.


Un verre de vin rouge sera pris à table, un vin du Rioja Bio « Lar de Sotomayor Tempranillo Écológica » 2011 de la Bodega Demeco De Jarauta, un vin très plaisant aux notes de cacao, de cuir et d'épices derrière un fruit riche.

Tout cela nous reviendra à quelques 124.70 euros.

Entouré d'un service efficace et agréable, on a passé, dans ce cadre particulier, un repas très plaisant et réconfortant, avec des produits choisis, très bien exécutés et généreusement servis. Le Prater Garten est une expérience d'immersion dans la vie berlinoise et promet un moment confortable et agréable, sans aucun chichi!

Kastanienallee 7 – 9, Prenzlauer Berg
10435 Berlin
Allemagne