mercredi 1 juillet 2015

Schneeweiss, Berlin

 
Le Schneeweiss a su se faire une jolie réputation dans le monde gastronomique berlinois et son nom est assez fréquemment cité dans des blogs, guides ou journaux: dans le top 10 des restaurants alpestres de Berlin, dans le TimeOut Berlin et j'en passe, qui en parlent tous en des mots plutôt encourageants tant question cuisine que cadre.

Nous voilà donc en plein Berlin Est, dans le quartier de Friedrichshain. Un quartier assez surprenant par ailleurs. Un grand centre ferroviaire dans le coin, alentours entre terrains en friche, bâtisses délabrées et chantiers de construction.
Plus au sud, on se rapproche du Spree, des bâtiments modernes côtoyant le rougeoyant prussien et, tout le long de cette rivière, la fameuse East Side Gallery, morceau du mur de Berlin de quelques 1.3km ayant servi de support d'inspiration a un nombre remarquables d'artistes de rue, y laissant s'exprimer, dans le silence des graffitis, tantôt poésie, tantôt dureté, tantôt humour, tantôt gravité. C'est la plus grande galerie continue d'art de rue méritant véritablement un détour, d'autant qu'elle est aujourd'hui menacée par les grapheurs médiocres et irrespectueux ainsi que par les agences de construction.
Plus au nord, du côté où se trouve notre destination du soir, des quartiers plus calmes de restos, bistrots ou logements.

Dans ce cadre spécial et bigarré se presse une foule dense qui l'est tout autant, franchement axé sur l'alternatif. Aujourd'hui, c'est jour de fête: le 1er mai est une institution indétrônable à Berlin et c'est à Friedrichschain (ou Kreuzberg) que cela se passe ! Concerts en rue, bières coulant à flots, police prête à agir (un vrai bataillon qui, bien qu'équipés pour la chasse au grizzly, sont plutôt bonhommes et ne font pas pression, restant simplement dans leurs fourgons.

C'est donc du côté nord que nous serons. Simplonsstrasse, on a l'impression d'être sur la voie principale d'une banlieue résidentielle: peu de voiture, des parcs partout, de jolies maisons, c'est extrêmement calme et on ne peut que penser que de vivre là doit être un bonheur. Un écrin de paix où Blanche-Neige a su imposer une image nouvelle.




Car oui, c'est bien là la traduction de Schneeweiss qui d'ailleurs joue sur deux plans avec un tel nom, les deux plans soigneusement imagés en deux logos différents. L'un fait référence à la cuisine alpestre servie dans les lieux, avec un logo dont l'arrière plan, représentera schématiquement un pan de montagne dans un hexagone (rappel des flocons de neige). C'est d'ailleurs le logo « officiel » que l’on verra sur la potence à l'extérieur, extérieur qui brillera d'ailleurs par sa discretion. Dès l'intérieur, on trouvera le logo « alternatif », forcément inspiré du conte bien connu, mais signalant clairement un côté décalé du lieu, car il s'agit d'un nain de jardin blanc tirant un doit d'honneur à son public, esquissant un petit sourire narquois. En gros, d'emblée, j'aime !


ON entrera dans un écrin virginal, élégant, juste rehaussé par un parquet et des chaises sombres. Des banquettes en cuir blanc confortables, petites tables carrées, élégamment dressées et comportant toutes un petite ensemble floral aussi blanc que le reste. Au plafond, un magnifique lustre de feuilles de cristal ajoute en élégance et participe à faire de ce lieu un endroit lumineux et sophistiqué.




Je vais être obligé de faire une aparté négative immédiatement. Ayant réservé via le système Open Table, le serveur qui nous accueille nous rappelle immédiatement avec beaucoup de nonchalance et un ton peu aimable que les tables « opentable » ne sont disponibles que 2 heures durant et nous fait bien comprendre qu'il allait veilleur au grain pour que l'horaire soit respecté. Si tout au long du repas nous avons été servis par un personnel charmant, souriant, professionnel et serviable, sans jamais se sentir stressé, le même personnage, semblant apprécier faire le sale boulot, viendra au terme du repas nous présenter la porte de sortie. On ne laissera toutefois pas cela gâcher la soirée, c'est bien peu, mais c'est une attitude que j'ai trouvée des plus déplaisante !

Enfin... nous voilà à table et le relais est déjà pris par une charmante serveuse qui nous porte les cartes et nous proposera un apéritif. A la table, un coca et trois cocktail du moment, le « Jäger Negroni », composé essentiellement de prosecco et de Jägermeister (dont l'histoire mérite d'être lue), mêlé de sirop d'herbe (dont je n'ai pas pu trouver la composition). Un cocktail frais, élégant, très équilibré entre amertume et douceur, très plaisant.


On en profitera naturellement pour commander l'eau et les deux verres de vin qui accompagneront le repas, un rouge nommé INK, assemblage de pinot noir, Schwarzriesling, Dornfelder, Syrah et Grenache, du domaine Friedrich Becker Junior (2011), un vin élégant et équilibré, aux riches notes de cassis.

Consultant la carte, on se réjouira de la voir petite et datée à la semaine, proposant une cuisine « alpestre » fraîche et de saison, raffinée et typique tout à la fois, un rien imaginative et à tarifs tout à fait corrects ! Le choix ne sera pas facile à faire mais on se lancera ! A peine commandé, on nous portera une jolie corbeille de pain, l'un très foncé, au levain et parfumé d'épices semblables au pain d'épice mais en plus discrètes, l'autre mi-blanc tout à fait appréciable. Ils sont accompagnés d'un beurre à la betterave excellent et de crème aigre.


En entrée, deux convives se partageront un onglet de bœuf, asperges, morilles et échalotes au vinaigre. Ce n'est pas réellement une entrée mais une catégorie de plat qui est en portion réduite, que le restaurant appelle Zwischengang. Une petite tranche d'onglet tendre à souhait, cuite rosée, trône en maître sur deux tronçons d'asperge blanche savoureuse entourée d'échalotes au vinaigre doux.. Un jus de viande corsé légèrement aigre-doux ajoute en gourmandise à ce plat esthétique. Une belle réussite.

Un troisième convive choisira la simple salade de feuilles, joliment garnie, fraîche et colorée, avec une délicate et légère vinaigrette très plaisante.


Pour ma part, je me laisserai séduire par une assiette de calamaretti, Cecina, chicorée de trévise, mozzarella de bufflonne et tomate. Une assiette très graphique, grande et ronde, avec le contenu se concentrant en arc de cercle riche en couleurs et reliefs. Sur un lit de fine chapelure (sans doute les restes du pain servi, intelligemment transformé et réutilisé) se dressent des monticules de feuilles de salade fraîche et deux feuilles de trévise, le tout assaisonné d'une splendide pesto. Centrée, une tomate dodue et goûte débitée en un cube régulier devancé par une mayonnaise bonne, assaisonnée sans pour autant que je sois parvenu à déterminer les saveurs. Quelques fines lamelles de Cecina, une viande séchée de bœuf très réputée provenant de León, en Espagne, de saveur exceptionnelle. De la mozzarella de bufflonne, riche en goût, magnifiquement crémeuse est parsemée de-ci de-là et enfin, les calamaretti sont arrangés après avoir été juste surpris, comme il se doit, leur donnant une tendreté parfaite. Et tout cela forme un ensemble tout à fait réussi, où les saveurs et les textures se lient pour arriver à un résultat des plus réjouissant. Une très belle assiette !

Côté plats, à nouveau trois convives choisiront le même plat, soit les raviolis maisons à la courge, noix et herbes fraîches. Une belle assiette, élégante et raffinée, offrant une portion généreuse de raviolis à la pâte de texture parfaite, une farce gourmande où la courge est très présente. Le tout est recouvert d'une béchamelle plutôt légère et de belle saveur tandis qu'une intelligente écume de fromage assez corsé vient couronner le tout. Intelligente car par ce procédé d'écume, l'équilibre des goûts est parfait tandis que « pur », cela aurait eu tendance à devenir trop salé et trop lourd en saveurs. En décoration, quelques feuilles d'épinard, un bouquet de scarole et voilà un plat très réussi.


Pour ma part, c'est du flétan de Groenland (ou flétan noir; un poisson que l'on trouve assez peu par chez nous), asperges vertes, romanesco et pop corn au boudin noir. Assiette tout en délicatesse, où de fins tronçons de poisson cuit à la perfection apparemment vapeur ou peut-être sous-vide, chair ferme et fondante, assez proche du colin et à la saveur douce, se perdent dans un amoncellement élaboré d'asperges vertes et de romanesco qui ont gardé du croustillant. Le pop corn, parsemé de ci de là exhale une saveur vraiment intéressante et apportent du croquant au plat. Le tout est légèrement baigné dans une petite et légère sauce crémeuse augmentée de gouttes d'une huile d'olive mêlée d'herbes donnant du relief au plat. Une très belle réussite.

Les raviolis tassant plus que le poisson, je serai le seul à prendre un dessert « complet ». Deux convives prendront des mini crèmes brûlées, sans particularité à défaut qu'elles étaient de très belle facture.

Pour ma part, je succomberai au brownie au chocolat Callebaut, mûres, éclats de chocolat et crème glacée au chocolat blanc. La Maison Callebaut est probablement l'une des maisons les plus renommée de chocolat belge, que même les grands chefs vont volontiers favoriser, au même titre que Valrhona. La présentation est très agréable et travaillée. Au centre de l'assiette, un carré de gelée cassante de mûre (fait à l'agar-agar) sert de marchepieds à un brownie généreux, sombre, moelleux et fondant. Le chocolat est de très belle qualité et bien présent pour un ensemble pas trop sucré. Une quenelle de glace au chocolat blanc couronne le tout. Savamment répartis dans l'assiette, mures, pop corn chocolatés, sorte de crumble et pointes de gelée de pomme viennent compléter le tout pour un mélange savoureux et réconfortant.



On finira ce très beau repas avec un thé, pour une addition de 160.80 euros.

Malgré un début et une fin de service mouvementés et, peut-être, un peu fâcheux, il faut souligner la qualité des serveuses qui, tout au long du repas, se succéderont tout en discrétion pour répondre à nos moindres besoins. Un service sûr dans un établissement au décors assez exceptionnel où les papilles ne seront assurément pas en reste. Si l'on peut tirer leçon de cette histoire, prudence quand on s'engage à respecter un temps imparti pour un repas !

Simplonstrasse 16
10245 Berlin
Allemangne