Avant de m'aventurer dans
ce dernier repas londonien, je souhaite publiquement remercier mon
ami et blogueur gourmand Hedofoodia
qui m'a grandement aiguillé et conseillé tant dans le choix de mes
tables que dans mes sentiers touristiques, fort d'une expérience de
nombreuses années. Un grand merci !
Car oui ce séjour
londonien a entièrement eu pour mots-clés découverte, gourmandise,
surprise voire même émerveillement. Cette dernière expérience
gastronomique constitue un point d'orgue et une conclusion idéale à
ce voyage.
Ce 2 janvier 2015, en
effet, après une ultime balade dans cette cité incroyable, je me
retrouve dans ce carrefour routier surexcité et surpeuplé qu'est
Picadilly Circus, en plein cœur de Londres, centre névralgique
encore tout illuminé des décorations de fêtes, où la foule
s'entasse déjà pour profiter des soldes qui débutent tout juste
alors. Boutiques chics et clinquantes à perte de vue sur toutes les
routes rejoignant ce centre, dont Regent Street que l'on remontera un
instant pour atteindre une rue perpendiculaire qui nous mènera,
finalement, à Pollen Street, une petite rue qui n'a l'air de rien,
fine, courte, un peu sombre, mais qui abrite deux établissements
d'exception, sans cesse bondés,
qui plus est gérés sous un même nom.
Mais qui soulève donc
ainsi les passions ? Un certain Jason Atherton
dont le palmarès auprès de chefs prestigieux est tout à fait
remarquable: Pierre Koffmann, Marco Pierre White, Nico Ladenis ou
encore Ferran Adria d'El Bulli, puis rejoint le Groupe
Gordon Ramsay en 2001, véritable figure
emblématique du monde gastronomique, livresque et télévisuel
britannique qui a mené une véritable conquête mondiale. Avec un
tel modèle, il n'est pas étonnant que Jason Atherton se lance dans
sa propre entreprise
éponyme avec, dès 2011, le « Pollen
Street Social », sis justement Pollen
Street, en face de ma destination du jour.
Son travail
est très vite couronné de succès. Une étoile après 6 mois, de
nombreuses autres récompenses par la suite, on parle du Pollen
Street Social comme du nouveau meilleur restaurant londonien.
Je ne dénombrerai pas
toutes ses tables à travers le monde. Contentons-nous de souligner
que son nom réunit déjà 19 enseignes, dont 8 à Londres et deux
dans la même rue... Le Little Social, droit en face de son premier
succès, proposant une cuisine plus bistronomique que gastronomique,
à des prix moindres, dans un climat plus détendu tout en promettant
raffinement dans l'accueil et l'assiette. Autant dire que je ne
pouvais que me réjouir de ce repas (même si c'était le dernier
repas du séjour).
Dans cette petite rue,
donc, l'air de rien, ces deux fleurons gastronomiques attirent foule.
D'un côté, une baie vitrée détourée de noir annonce le chic
Pollen Street Social où un coup d'oeil à travers la vitre semble
qu'on n'y entre pas en basket et marcel.
De l'autre, une devanture
tout aussi noir laissant penser à un pub ou un bistrot presque à la
française cache le Little Social.
Une ambiance détendue et amicale
y règne. Dès l'entrée, on sera charmé par le service rayonnant,
plein d'humour, vêtu de chemise et veston noir-cravatte complété
par un jeans, reflétant tout à fait les lieux.
On pénètre dans un
établissement assez lumineux, raisonnant de l'heureuse clameur et
d'une forme d'excitation d'un public bigarré.
Intérieur vraiment très
original, on se croirait presque dans un tripot de Pigalle, papier
peint jaunâtre en panneaux entourés de bois sombre ouvragé,
vieilles pubs et photos françaises, hautes plinthes, du mobilier aux
arrondis rappelant les productions de styles Louis avec ces pieds
arrondis, des banquettes de cuir rouge pétant, lampes de toutes
sortes sur touts supports, un très beau et long bar.
On ajoutera encore à ce
tableau étonnant une volée d'escaliers habillée de vieilles cartes
routières françaises et illuminée de néons formant quatre mots :
« Silence Logique Sécurité Prudence » rappelant
l'Alphaville de Godard.
Je serai mené, après
avoir été aimablement débarrassé de mon manteau et de mon sac,
dans ce décors plutôt stupéfiant, jusqu'à ma table, bien centrée
dans la salle m'offrant une vue de choix de tout ce qu'il s'y passe.
On me porte illico la
carte, on me demande si je désire de l'eau et enfin on me propose un
apéritif. Ne rompant pas avec la mode des cocktails, le Little
Social en possède un bel assortiment qui sont tous plutôt créatifs
et diablement tentants, inspirés par la saison, aux intitulés
rappelant fortement l'affection non dissimulée du lieu pour la
culture française. Ma première pensée est: « si le menu est
semblable, je ne pourrai jamais faire de choix ». Bon, je me
décide pour un « Poire Quoi ? ». Composé de Vodka
Grey Goose à la poire, liqueur
de gingembre du Domaine de Canton, de la poire William, du citron
frais et du sirop de laurier, et une petite dose d'absinthe pour
finir le tout. Rien a dire, splendide et cela donne le courage
d'attaquer la carte !
La carte s'apparente à
un supplice de Tantale (a défaut que moi, je boirai et je mangerai
quand même). Elle est pourtant pas bien grande mais tous les
intitulés respirent la gourmandise, l'inventivité, un peu de folie,
la fraîcheur, et la qualité. La base de conception est toujours la
cuisine anglaise, mais très inspirée, où l'on trouvera créativité
et influences internationales, où des produits simples et quotidiens
côtoient l'exceptionnel. Impossible de ne pas fondre à la lecture.
Quoi qu'il en soit, tout
les goûts y trouveront leur compte ! Je ferai mon choix, réjoui
et affamé, en même temps un peu déçu d'avoir dû faire un choix.
Pour parfaire l'épreuve, quand enfin une décision semble à se
dessiner, la serveuse ne manquera pas de venir réciter les
suggestions du jour qui ne manqueront pas de vous désespérer !
Très vite, un très beau
pain m'arrive dans une jolie corbeille. Une excellente baguette, un
très beau pain foncé au levain, un beurre légèrement salé et
fumé de très bon goût, ça promet.
En entrée, ayant vu de
l'anguille à la carte, je me suis laissé tenter par la « Warm
smocked eel, beetroot, horseradish cream, watercress ». Une
assiette très délicate, presque féminine, m'arrive, transportant
un parfum très appétissant: au centre, le produit, l'anguille
fumée, qui est absolument parfaite, équilibre entre le fumé, le
salé, la gourmandise de ce poisson star, juste couronné d'une
petite betterave rouge tournée, parfaitement assaisonnée d'un
parfum chaud, rappelant un léger fumé, assez difficile à décrire.
Plus loin, deux autres betteraves, jaunes celles-ci, ayant subi un
traitement semblable. On trouvera encore trois petits dômes de jus
de betterave d'une très grande gourmandise, à nouveau très
travaillés mais sans être à même de déterminer les saveurs que
je ressentais. Enfin, une crème de raifort qui se fait mousse légère
d'une très grande gourmandise, avec toute la saveur du produit sans
son piquant anesthésiant. Quelques feuilles de pourpier viendront
parfaire ce tableau d'une précision redoutable.
En plat, je commanderai
un « Roasted Cornish line caughtcod, Asian spiced cauliflower
and aromatic duck broth ». Un filet de cabillaud donc, péché
à la ligne, provenant de Cornouailles qui est une provenance réputée
pour sa qualité. L'assiette en comporte un tronçon copieux dont la
cuisson, plutôt délicate, est maîtrisée à la perfection. Il est
entouré de quelques fleurs de chou romanesco et présenté sur son
podium de ce même chou presque préparer comme un couscous, très
parfumé de saveurs rappelant le mélange cinq épices chinois mais
plus délicat. Sur cet ensemble viendra en un second temps s'ajouter
un bouillon presque improbable mais qui sublimera le plat. Un
bouillon assez fluide et corsé au canard, parfumé au soja et les
mêmes traceurs gustatifs rappelant les cinq épices. Épatant
d'équilibre gustatif et de méticulosité dans la préparation de
chaque élément.
- Craignant de ne pas avoir assez faim, lorsque l'on ma proposé un accompagnements, entre poutine (!), frites, purée... j'ai préféré une simple salade de feuilles et herbes qui s'est avéré parfaite avec une vinaigrette tout à fait succulente.
- Le vin ne sera pas en reste. Pendant le repas, je prendrai un verre de vin d'un vigneron français collaborant directement avec le Pollen Street Social, Thomas Carsin, du Domaine du Clos de l'Élu, en Loire. Un mono-cépage de Cabernet Franc au nez généreux et aux saveurs prononcées mûres-cassis tout en délicatesse qui accompagnera à ravir mon plat.
Pour le dessert, je ne me refuserai pas un second verre de vin, un
Val d'Aoste
« Chaude Lune » 2011, un « vin
de glace » (les raisins ont été vendangés après
gelées), une méthode de fabrication offrant un sucre résiduel
riche et ample, d'une belle complexité, conservant une acidité
permettant de boire cela comme un sirop, une très belle découverte !
- Et ce dessert alors ? Je ne résisterai pas au crumble du moment: « Pear and blackberry crumble, mascarpone and cinamon creme anglaise ». M'arrive une assiette composée d'une petite compote de poire entourée de petites sphères de poire et des moitiés de mûres, dans un élégant dénuement. Puis la serveuse s'approche, armée d'une casserole en cuivre et laisse s'écouler un crumble chaud, splendide, en quantité généreuse et dépose finalement une saucière remplie d'une crème anglaise au mascarpone et à la cannelle que le client ajoutera par lui-même à la préparation. Un dessert délicieusement régressif, on se sent comme un enfant face à tant de gourmandise. Un crumble riche en noisettes, plein de saveurs et parfait en bouche, chaud, se mêlant avec la préparation froide qui se trouve au-dessous, et que l'on liera de cette splendide crème de mascarpone. Diabolique.
Il n'y a pas à dire: commandant un thé vert pour faire durer le plaisir, je ne peux que venir au constat que je viens probablement de passer mon meilleur repas de ce séjour.- Je demande l'addition et profite encore du ballet de ces serveurs ultra efficaces dont le sourire, l'humour et le professionnalisme sont remarquables et sauront mettre à l'aise n'importe qui, dans ce cadre, qui plus est, vraiment original et qui, au fur et à mesure du repas, tombe finalement sous le sens !
- L'addition, je la recevrai dans une petite enveloppe indiquant « by air mail », comme venue, une fois de plus, de France. Amusant de pousser le concept jusque là. Le portefeuille n'en sortira pas indemne, 114.75£, évidemment, mais on s'y attendait et l'expérience le justifie.
- Une expérience que je renouvellerai probablement et que j'encourage de découvrir !
- Little Social
- 5 Pollen Street, Mayfair
- London W1S 1NE
- Royaume-Uni
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