Même à Londres, un
dimanche soir, qui plus le 1er janvier, le choix en tables
intéressantes est réduit. Il faudra souvent compter avec un peu de
patience et de recherche, ne pas hésiter à s'y prendre en avance,
pour trouver son bonheur.
Mais quelle joie lorsque
dans sa liste de lieux à ne pas manquer se trouve précisément ce
type de perles... cette joie, je l'ai trouvée avec le Princess of
Shoreditch, qui inaugurera mon année gastronomique 2015.
Très bien situé, près
de Old Street, au cœur du quartier de Shoreditch, on trouvera le
lieu. Shoreditch est un ancien quartier industriel au public
relativement douteux reconverti en ce qui se fait de plus populaire
et alternatif, offrant un cadre tout à fait particulier à la vie
trépidante qui s'y déroule.
Que l'on cherche une
galerie d'art alternative, un pub ultra authentique, une vieille
librairie poussiéreuse, de la musique live en tout genre, des clubs
branchés ou encore des tables en touts genre, Shoreditch est « the
place to be »: aujourd'hui, c'est l'une des scènes
numéro une de la restauration londonienne, où bon nombre de restos
du genre « gastropubs » de qualité fleurissent. Le
gastropub est un concept tout à fait excellent proposant dans un
cadre simple et convivial des boissons et de la nourriture de haute
qualité à prix relativement doux. On trouvera une tendance
semblable dans la bistronomie... mais cela reste deux concepts
différents. Bref... vous l'aurez compris, le Princess of Shoreditch
est de ce genre.
Les propriétaires du
Princess se sont installés en 2010, après avoir rénové un pub
vieux de 270 ans. L'ambition non-dissimulée, être le meilleur pub
de Shoreditch, tant pour la nourriture que pour l'ambiance en
respectant le meilleur rapport qualité-prix possible. Grâce à un
travail acharné et passionné, une grande attention au contenu de
l'assiette et à l'écrin qui les accueille, très vite, le lieu fera
parler de lui pour sa qualité, sera récompensé par les journaux,
les guides. La marque de fabrique ? Une carte petite, changeant
régulièrement au gré des inspirations du chef et de ce qu'il
trouvera de plus frais et attirant sur les étals. Gourmandise,
générosité, personnalité, originalité et excentricité sont des
mots-clés très convenables pour ce lieu étonnant que je vais
tâcher de vous faire découvrir.
St Paul Street, vous
n'aurez aucun mal à reconnaître cette devanture arquée blanche,
toute vitrée, d'un autre temps, insérée dans un bâtiment de
briques apparentes tout à fait typique.
Passant la porte, on tombera
dans un coin pub plutôt vivant pour un premier janvier fatigué mais
qui sera sans aucun doute beaucoup plus animé d'habitude. Un beau
pub habitée de tables de bois toutes simples, un bar très bien
aménagé, et proposant des bières, cidres et vins de très bonne
qualité à prix plutôt doux (carte semblable à l'étage). On peut
y manger également, plutôt de la cuisine simple mais néanmoins
travaillée avec des produits choisis. Ici, premier arrivé, premier
servi, pas de réservation côté pub. Mais on n'oubliera pas de
réserver si c'est plutôt du côté restaurant que l'on veut manger.
Il faudra alors monter au
premier étage. Un escalier métallique en colimaçon y mène, nous
laissant découvrir un décors et une ambiance autres.
Me voilà arrivé dans
une petite salle aux fenêtres arquées, une douzaine de tables de
bois un peu éparses, bougies sur chacune, pas de nappes ou autres
agencement, juste ces belles tables un peu brut. Aux murs, des
tableaux en noir et blanc dont juste un élément est coloré dans
des tons assez acides. En fond de salle, une belle cheminée
surmontée d'un lourd miroir.
La salle n'est pas
bondée, mais correctement remplie à bien 70-80%: couples ou
amis, le lieu semble à propos à toute occasion. En toile de fond,
une musique un peu swing, ou alors passant sur de la chanson
française, Brel et Nougarro notamment, c'est étonnant et plaisant.
Au Princess or
Shoreditch, c'est une carte réduite que l'on trouvera: 5-6 entrées
et plats, et aucun ne failli de mettre en appétit. On notera que la
carte est différente le dimanche du reste de la semaine. Pas moins
fournie, elle semble simplement composé de plats plus ménagers,
moins de préparations minutes, plus de tradition (en gardant une
pointe de raffinement) tandis que la semaine sera plus osée dans les
assiettes, mêlant plus d'innovation à la tradition, citant quasi
systématiquement les provenances des matières premières qui sont
des références locales. Ce soir c'est dimanche, et un 1er janvier à
Londres, je mangerai traditionnel et cela ne me dérange aucunement !
Le dimanche comme la semaine, c'est la viande qui aura part belle à
la carte, mais il y a toujours une proposition de poisson et
végétarienne qui n'ont aucunement à rougir du reste. Autant dire
que le choix sera difficile.
En attendant, on me porte
un panier de pain de farine assez complète, ensemencé au levain,
vraiment de très belle tenue et d'un très bon goût, servi avec un
bon beurre légèrement salé dans une coupelle. Très bon signe.
En entrée, je choisis la
« Cullen Skink ». Mais encore ? Il s'agit d'une
soupe assez épaisse, très traditionnelle en Écosse avec pour
ingrédients essentiels, selon la recette d'origine, du haddock fumé,
des patates et de l'oignon, parfois épaissie à la fécule. Cette
soupe a entièrement respecté la tradition, avec une présence assez
importante de céleri en plus. Une belle couleur blanche, épaisse et
gourmande, un équilibre très bien géré de salé-fumé qui fait de
cette soupe une entrée réconfortante, très plaisante et très
originale pour qui ne connaît pas.
Pour le plat, il faudra
s'accrocher avec le « Roasted Charles Ashbridge rare breed
sirloin & slow cooked featherblade ». S'accrocher car je
n'ai que très rarement eu devant moi une assiette aussi énorme et
qui, plus est remplie. Même si la photo ne fait pas honneur à
l'aspect visuel, l'assiette reste appétissante et agréable à la
vue. Avec le plat, on me porte sur un plateau six sauces plutôt
traditionnelles: menthe, raifort, moutarde anglaise, moutarde
de Dijon, moutarde à gros grains et une compote. Plus par curiosité,
je prendrai les deux recommandées avec ce type de plats:
moutarde de Dijon et raifort, toutes deux bonnes et très franches.
On verra arriver
l'assiette de loin, couronnée d'un gros Yorkshire pudding, un
accompagnement typique à base de farine, lait, œuf et eau, très
apprécié avec les plats de viande grillée et plats en sauce. Ce
dernier est excellent.
On aperçoit autour des
pommes de terre entières doucement rôties dans la graisse de
canard, tout à fait savoureuses, des petites carottes non-pelées
ayant subit le même traitement et du brocoli cuit, quant à lui, à
l'eau.
On ôte ce couvre chef
pour découvrir une viande magnifique: une surlonge fort bien rassie
sur os, le goût ne trompe pas, rôtie à la perfection, servie
rosée, d'une tendreté parfaite. On est déjà impressionné par la
quantité quant au découvre qu'au dessous se trouve une tranche
toujours aussi généreuse de viande bouillie, sans doute de la
palette, de saveur toujours aussi formidable et tout simplement
fondante. Cela sans omettre un lit de chou frisé excellent. Un jus
de viande exceptionnel vient conclure le plat.
Notons la provenance de
cette viande, une référence régionale qu'est la Ferme
de Charles Ashbrige, spécialisé dans l'élevage de porc,
d'agneau et de bœuf, toujours de races choisies, dans des méthodes
d'élevage respectueuses et un travail de la viande exemplaire.
J'admettrai ne pas
forcément adhérer au raifort ou à la moutarde de Dijon, estimant
qu'aussi bonnes soient ces sauces, elles dénaturent le goût. Un
plat tout bonnement formidable, réconfortant, travaillé, riche et
juste parfait.
Avec ce repas, je boirai
de l'eau gazeuse (filtrée, purifiée, reminéralisée et gazéifiée
sur place) servie dans des
bouteilles estampillées par les lieux. Notons et saluons que l'eau
se paie 1£ la bouteille, argent, en cette période de fête,
totalement reversée à une œuvre caritative ayant pour intérêt
les pauvres de Londres.
On
se relâchera pourtant pas avec le vin du mois, un vin vénitien de
Cecilia
Beretta Valpolicella
Superiore Ripasso 2012,
un vin concentré, corpulent mais très bien structuré très
plaisant.
Complètement repu
(nooooon???), je ne peux m'empêcher de me laisser tenter par un
dessert, la carte faisant trop envie : globalement, ce sont des
desserts gourmands, pudding, tourte, cheesecake, fromages... mais
toujours avec un petit quelque chose qui vient faire twister le tout.
Le choix est difficile et je pencherai pour le « Sticky toffee
pudding, bourbon toffee sauce, milk ice cream ». Un dessert
chaud, un vrai péché ! Le pudding est spongieux et collant à
souhait, au fort goût de toffee,
avec des saveurs rappelant la figue séchée. Une sauce assez corsée
au bourbon et au toffee vient corser la préparation et une crème
glacée au lait savoureuse vient la rafraîchir. En gros, vous
l'aurez compris, c'est sucré, gras, moelleux, chaud, froid, ça
colle au dents.... Un monstre de décadence que l'on savourera avec
une joyeuse honte !
Vous l'aurez compris, ce
repas m'a permis de démarrer cette année sur des notes de
tradition, de gourmandise, d’opulence et de plaisir. Un signe pour
l'année future ?
Le temps d'être en capacité de me mouvoir, je prendrai un thé vert, servi en vrac, en théière, il est d'excellente qualité puis on demandera l'addition (que je redoutais un peu après avoir fait pareille bombance). Rien n'en fut: celle-ci s’élèvera à 50.85£, faisant du Princess of Shoreditch un vrai bon rapport qualité-prix-plaisir.
Le temps d'être en capacité de me mouvoir, je prendrai un thé vert, servi en vrac, en théière, il est d'excellente qualité puis on demandera l'addition (que je redoutais un peu après avoir fait pareille bombance). Rien n'en fut: celle-ci s’élèvera à 50.85£, faisant du Princess of Shoreditch un vrai bon rapport qualité-prix-plaisir.
Il faut souligner la
qualité du service dans un style plutôt décontracté mais d'une
qualité et d'un professionnalisme redoutables. Un flegme so british
enrobé d'un humour tout aussi typé, collant à merveille avec le
côté décalé des lieux.
J'essaierai de venir en
semaine une prochaine fois, pour apprécier le plein potentiel et la
pleine ambiance des lieux. Quoi qu'il en soit, j'ai énormément
apprécié ma rencontre avec la cette princesse des rues et ne peux
que recommander mille fois d'y faire un tour !
76 Paul Street
London EC2A 4NE
London EC2A 4NE
Royaume-Uni
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