Faut-il une bonne raison pour
faire la fête? Faut-il une bonne raison pour se faire plaisir. Et
même si c'est lundi, qu'est-ce que cela fait ?
C'est avec cette idée en tête
qu'une petite assemblée s'est réunie dans mes appartements ce lundi
5 mai 2014 pour faire une petite surprise d'anniversaire à un ami
qui m'est cher. Objectif : bien manger, bien boire, s'amuser,
mettre la vie de tous les jours, le mauvais temps, les problèmes,
les rhume des foins, les rappel de dette, les extra-terrestre et
toutes ces choses-là de côté pour passer un lundi soir comme si ce
n'était pas lundi. Au fourneaux, votre serviteur, secondé par une
paire de mains attentive et efficace que je remercie de tout coeur.
Aux vins, un digne représentant de notre terroir lavausien se jouera
le rôle de fournisseur suite à délibération sur le menu.
Une fois tout le monde arrivé, la
surprise consommée, on passe aux choses sérieuses !
On commence par un petit apéritif
frais et bien garni, avec quelques légumes croquants (carottes,
poivrons rouges, céleri branche) avec en accompagnement un caviar
d'aubergines, un beurre maison et un pain au levain tout frais.
Si on n'a ni feu de bois, ni feu
de gaz, la solution la plus simple pour obtenir un petit goût fumé
sur le caviar d'aubergine est de brûler à même une plaque (le
vitrocéramique est idéal pour cela) de toute part les aubergine,
les laisser refroidir, enlever soigneusement la peau (qui, brûlée,
laisserait un goût âcre à la préparation plutôt que le désiré
goût fumé). Un peu de jus de citron, se sel, de poivre, un coup de
mixer et c'est réglé.
Pour le beurre, rien de plus
simple : choisir une bonne crème fermière (pour plus de
saveur) et fouetter au-delà de la crème fouettée. En quelques
minutes, l'ensemble tranchera et le petit lait se séparera de la
matière grasse. Plus qu'à filtrer cela et nous voilà avec une
belle motte de beurre, un peu molle, qu'il faudra laisser durcir au
réfrigérateur après l'avoir au préalable assaisonné si l'envie
vous prends (comme ici, à l'ail d'ours et fleur de sel). C'est
simple et la promesse d'un carton auprès des invités !
Attention : on évitera de le conserver plus de 2-3 jours, il
est 100% naturel, sans pasteurisation, sans conservateurs, il est
donc naturellement plus rapidement périssable. En cas de doute, se
fier au nez et au goût.
Côté pain, j'y ai déjà accordé
un article, mon
animal de compagnie a encore sévi !
Et pour accompagner cela, un petit
champagne (pour pas être trop chauvin question vin), un cadeau d'un
ami me proposant un champagne de petit producteur, un champagne du
Domaine Lancelot-Pienne « Blanc de Blancs ». 100%
chardonnay, un champagne plutôt rond cultivé en viticulture
raisonnée, à la fois frais et puissant, vif, rafraîchissant,
parfait pour un apéritif.
Pendant le repas, j'ai choisi des
vins régionaux, généreusement apportés par un amoureux des vins
du Lavaux bien travaillés. Il est vrai que si la région lémanique
rayonne tout du moins partiellement pour ses vins, il faut
l'admettre, ce n'est pas toujours terrible et il y a eu une grande
période de : « quantité d'abord, la qualité, on verra
si on a de la chance ». C'est malheureux au demeurant, car la
région jouit d'un terroir plutôt favorable mais fort mal mis en
valeur. La tendance est toutefois à la hausse et il y a d'excellent
travailleurs, pas ceux que l'on retrouvera dans les supermarchés,
non, mais ceux que l'on retrouvera directement au domaine ou alors
dans des caves coopératives et sélectives, comme la Viticole de
Lutry rebaptisée récemment « Terre
de Lavaux » que j'ai découverte récemment pour mon plus
grand bonheur. L’éternel Chasselas y prendra une nouvelle
envergure (avec un vin primé au concours du Chasselas et dont le
titre n'est pas démérité) mais également des cépages plus
rarement présentés dans nos régions, comme le Viognier, le
Chardonnay pour les blanc ou le primitif, historique devrais-je dire
Plant Robert pour le rouge par exemple. Voilà une bonne occasion de
présenter deux quilles excellentes ainsi que de saluer le travail de
cette cave et des vignerons sérieux et consciencieux !
L'entrée donc sera de fines
tranches de sériole crue, bouquet de salades fraîche et sauce ponzu
à ma façon.
La sériole est un poisson
excessivement difficile à ce fournir par chez nous, aussi connu sous
les noms Kingfish ou Yellowtail, ou, pour les amateurs de noms
japonais, hamachi par exemple. C'est un poisson gras, assez ferme,
d'une grande délicatesse et finesse, ici simplement finement
tranché. Ce produit se suffit à lui-même et est suffisamment rare
pour l'apprécier dans son plus simple appareil, avec sa petite
salade.
On nappera tout de même d'une
sauce « ponzu » pour confirmer les influences japonaises.
Enfin il faudrait dire « façon ponzu » car c'est plus
une sauce soja (dans laquelle a mariné pendant 24 heures une feuille
de kombu et une poignée de bonite en copeaux), filtrée et parfumée
d'agrumes, citron jaune et vert, oranges, un peu de jus de yuzu et du
mirin, finalement augmenté de cébette. J'adore ce genre de sauce
qui en l’occurrence sublime parfaitement ce genre de saveurs
délicates.
Un
Viognier 2012 de la cave « Terre de Lavaux »
s'accordera parfaitement à ce met. Un Viogner du coin, oui, peu
fréquent et pas forcément le cépage le plus aisé à travailler
dans nos régions. Le vin est barriqué en chêne et acacia, ce qui
se retrouvera bien au nez et en bouche ainsi que ses caractéristiques
typiques d'abricot et de fleurs, une bouche ample et à peine grasse
s'alliant à merveille avec un poisson un peu gras comme la sériole.
En plat, un faux-filet de boeuf
rôti basse température, ses légumes juste blanchis puis jetés
dans le plat à viande, un écrasé de pommes de terres légèrement
vanillé et un vrai bon jus de viande maison.
Le faux-filet étant une pièce
plutôt plate, mon aide-cuisine d'un jour a eu l'heureuse idée de le
rouler avant de le ficeler. Ainsi a-t-on fait après avoir parfumé
le coeur d'herbes, d'oignon, de poivre et de romarin. Un peu de gros
sel au tout dernier moment et il n'y aura plus qu'à saisir le tout à
la poêle bien chaude puis balancer et oublier au four, dans un plat
préchauffé à 80 degrés. Une heure-une heure et demi plus tard,
c'est prêt, si la viande doit patienter, il suffira de couvrir et
baisser à 60 degrés. J'adore la cuisson basse température, car on
peut profiter de ses invités et préchauffer les assiettes tout en
même temps, pas de stress, c'est une garantie de saveurs et de
réussite.
La purée ne sera en fait qu'un
simple écrasé de pommes de terre. Pour plus de saveurs, je les cuit
avec la peau, puis les pèle, les écrase et les assaisonne de sel,
de poivre, d'une pincée de muscade et d'un peu de vanille. On
présentera le tout dans une petite feuille de brick, juste pour le
fun et le croustillant.
La difficulté de la purée, c'est
qu'elle refroidit et sèche si elle patiente trop. Ne possédant plus
de micro-ondes (n'étant pas grand fan de l'idée d'ondes
tripatouillant ma graille), j'ai eu la drôle et heureuse idée de
balancer ma purée dans un rice cooker. Bizarre, mais ça marche à
merveille. A la rigueur, il faudra ajouter une fois de temps à
autres un petit verre d'eau ou de bouillon car naturellement il y a
une petite condensation mais rien de bien intense et la purée a tenu
ainsi quatre bonnes heures (et pourrait assurément tenir plus),
restant moelleuse et goûteuse jusqu'au bout !
les légumes ont simplement été
blanchis à l'eau salée quelques minutes puis introduit dans le plat
de viande au four pour finir leur cuisson. En résulte une cuisson al
dente que, personnellement, j'apprécie.
Le jus est un vrai de vrais, un de
ces fonds que l'on fait trop rarement, évoquant l'excuse que c'est
long, que cela sent fort et que cela dégueulasse et engraisse
royalement une cuisine... C'est pas faux, mais on ratera un grand
bonheur gustatif.
On n'a rien sans rien : trois
kilos d'os garni ont caramélisé au four à haute température (200
degrés) pendant 30-40 minutes pour finir dans une marmite couverte
d'eau avec des carottes, du céleri, du poireau, des pognons et des
pommes brûlées et quelques épices légèrement toastées
(coriandre, poivre, cumin et girofle). On laisse buller cela pendant
sa bonne dizaine d'heures (le temps que cela réduise de deux tiers,
on passe au chinois, on laisse refroidir et gélifier puis on
dégraisse. Le jour même, on réchauffe, on ajoute le liquide de
déglaçage de la viande braisée (eau ou vin, ici c'était du Porto)
et on prévoit la grande saucière et le pain, ou beaucoup de purée
pour pouvoir l'apprécier au maximum.
Et à boire, un Plant Robert
« Orpheus » (encore de la cave « Terre de Lavaux »)
2012 élevé en fût de chêne. Le Plant Robert est une ancienne
variété de gamay quasi oubliée, cépage proprement suisse, sauvé
de l'oubli dans les années 65-70 par un certain Robert Monnier, sur
la commune de Cully. Cela fait de lui un vin bien charpenté, profond
est assez tannique sans être trop corsé, avec une belle présence
de fruit et de belles notes d'épices et poivre, un bonheur !
Enfin le dessert sera une petite
soupe de fraise, « mousse » au chocolat, petit biscuit
vanille-orange-miel.
La soupe de fraise est tout
simplement une bonne quantité de fraises (un bon kg) lavées,
essorées et mixée entières après avoir juste enlevé les
feuilles. On ajoute un peu de sucre au besoin, le jus d'un citron et
j'apprécie ajouter un petit verre de vin de prune « umeshu »
japonais qui apporte un petit quelque chose de bien sympathique.
La mousse au chocolat est une
bombe de saveur et de légèreté. Légèreté ? Eh oui, car
bien plutôt que d'employer de la crème et des oeufs, je me suis mis
à employer du tofu soyeux. Le résultat est stupéfiant et
l'illusion est totale, la saveur du chocolat bien présente et la
texture ferme et onctueuse. Tout le monde s'y trompe ! J'y ai
ajouté une petite note de vanille et c'était parfait.
Le biscuit enfin est là juste
pour amener un peu plus de volume et du croustillant à l'ensemble,
un peu de farine, du miel et de l'eau, un peu de cannelle, de vanille
et de zeste d'orange, on travaille le tout en un ensemble homogène
et pas trop ferme que l'on aplatira entre deux feuilles de papier
sulfurisé et que l'on cuira au four à 100-120 degrés entre deux
plaques pour garder cela bien plat. Une fois cuit on laisse sécher
et voila un biscuit croustillant plaisant et pas trop sucré pour vos
desserts ou le thé.
Pour pas faire de jaloux, on passe
de l'autre côté viticole du lac, à savoir La Côte, pour un petit
vin doux de Tartegnin, « Douceur d'Or » 2011, un
intéressant travail sur un Gewurztraminer (à nouveau rare dans nos
régions) de Harry Munier, un vin qui malgré sa douceur conservera
un caractère un peu sec et frais pas désagréable du tout et donc
pas aussi lourd que bien des vins doux.
Mais si le repas fut bon et les
boissons aussi, l'assemblée le fut plus encore. C'était lundi, un
début de semaine léger et rafraîchissant (moralement bien sûr,
stomacalement, c'est une autre histoire), idéal pour commencer ses
jours de travail le coeur rempli !
C'était une belle soirée, merci
les amis d'avoir tenu le secret et répondu présent!
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